Autour de la lecture #7 – ABANDONNER UN LIVRE

S’il y a bien un phénomène que je trouve vraiment étrange, c’est ma réticence à laisser tomber la lecture d’un livre qui ne me plaît pas. Je n’ai aucun problème pour arrêter un film ou une série qui m’ennuierait, mais lorsqu’il s’agit d’un livre, j’ai tendance à m’acharner.

Si je prends par exemple ma dernière lecture, Wuthering Heights d’Emily Brontë que j’ai détesté. Pourquoi ai-je décidé de poursuivre bien que l’ennui me gagnait de plus en plus et que je ne possédais toujours aucun intérêt pour l’histoire à la moitié du roman ?
Je me suis donné plusieurs excuses :
« j’ai envie de comprendre pourquoi ce livre est considéré comme un classique »
« je connais des personnes qui ont aimé ce livre, ce doit être pour une bonne raison »
« peut-être que les choses s’améliorent par la suite »
« j’ai déjà passé trop de temps sur ce livre pour abandonner maintenant ».
Soyons honnêtes, aucune de ces raisons ne valait vraiment la peine que je persiste. Il s’agit avant tout d’une énorme perte de temps, et si la lecture n’est pas obligatoire, autant passer à autre chose.

On aime trouver des excuses pour justifier notre volonté de ne pas abandonner un livre. On éprouve souvent une certaine culpabilité à reposer une lecture qui ne nous convient pas, alors qu’une fois de plus, nous n’avons pas ce même scrupule pour une série ou un film. Je pense que c’est en lien avec cet aspect sacré que l’on donne à la littérature.
Cependant, nous gagnerions véritablement à franchir ce pas de l’abandon. Accepter qu’une lecture ne mérite pas toujours notre attention, car ce temps passé sur un livre qui ne nous plaît pas pourrait être investi dans une lecture qui nous captive.

À quoi bon s’acharner sur une mauvaise expérience ? Qu’y aurait-il de gratifiant à pouvoir dire « j’ai fini ce livre, je l’ai détesté, mais au moins je sais pourquoi ! » Serait-ce pour avoir le droit de critiquer un livre en toute connaissance de cause ? Dans ce cas, ce temps dépensé à remporter le droit de juger une lecture est-il bénéfique comparé à ce même temps que l’on aurait pu dépenser sur une lecture plaisante ? L’un résulte en un sentiment négatif, l’autre en un sentiment positif.

Bien entendu, il y aura toujours quelqu’un pour venir affirmer qu’on ne peut parler d’un livre que s’il a été lu entièrement, mais je ne pense pas qu’une expérience incomplète invalide le ressenti d’une personne. Je pense sincèrement qu’il est plus important de passer un bon moment littéraire plutôt que d’essayer de prouver à quelqu’un que l’on déteste bien une lecture en sacrifiant du temps précieux dessus.

Pour ma part, je vais essayer de prendre cette résolution. Je sais que la route sera longue avant que cela devienne un réflexe sans hésitation ou culpabilité. Toutefois, c’est un pas que j’aimerais franchir.

Publicité

Autour de la lecture #6 – LA COURSE AUX LIVRES

J’en parlais dans ma tache d’encre sur la gueule de bois littéraire et la panne de lecture, mais je vais m’étendre un peu plus en détails sur une tendance actuelle : la course aux livres.

Sur Internet, on peut voir régulièrement fleurir des sujets type “comment améliorer ma vitesse de lecture” ou encore “je lis x livres par an, j’aimerais pouvoir en lire le triple”.
Il est vrai que lorsqu’on ne lit qu’une dizaine de livres par an et que l’on voit son voisin en lire plus d’une centaine, cela donne envie d’en faire autant, mais est-ce véritablement une bonne chose ?

Il y a une sorte de compétition invisible qui s’est créée entre les lecteurs. Un concours de qui lira le plus de livres, qui lit le plus vite, mais dans tout cela, on oublie le plaisir de la lecture.

Je comprends parfaitement l’argument “il y a tellement de livres à lire et si peu de temps”, mais est-ce une raison pour saboter le plaisir que procure ce loisir ? Je conçois que pour certaines personnes, c’est un métier de lire énormément de livres pour être capable de les conseiller ensuite, mais s’il n’y a aucune contrainte hormis celle qu’on s’impose soi-même, à quoi bon faire la course ?

La rapidité de lecture influe sur notre compréhension et notre appréciation d’un livre, si bien que la mémoire ne suit pas forcément la cadence. Je trouve donc dommage cette volonté de sacrifier la qualité pour la quantité. J’ai conscience que certaines personnes sont capables de lire à grande vitesse sans souffrir de ce problème. Je suis ravie pour elles, vraiment. Cependant, dans cette tache d’encre, je souhaite m’adresser aux personnes envieuses de cette capacité : prenez votre temps, la lecture n’est pas un concours.

Peu importe si vous lisez lentement. Concentrez-vous plutôt sur votre lecture présente au lieu de penser à vos futures lectures. De toute façon, il est impossible de lire l’entièreté de ce qui a été écrit et de tout retenir, peu importe notre vitesse de lecture. Il faudrait être un robot pour cela. Alors au diable cette idée de devenir un lecteur supersonique !

Profitez de ce que vous lisez, à votre rythme. Vous avez besoin de faire une pause ? Vous préférez utiliser ce moment pour faire autre chose ? Ne culpabilisez pas et suivez vos envies. En résumé, lisez pour vous-même et non pour impressionner autrui.

Autour de la Lecture #5 – LA GUEULE DE BOIS LITTÉRAIRE

Voilà un sujet que chacun a dû éprouver au moins une fois : la gueule de bois littéraire. Outre Atlantique, on parle de “book hangover”. Je ne sais pas s’il y a un terme officiel en français, alors bon, je propose celui-là.

Mais qu’est-ce donc ? C’est tout simplement ce sentiment qui fait que l’on est incapable de commencer un nouveau livre car notre précédente lecture nous hante encore.

Cela peut durer plus ou moins longtemps, mais la situation reste la même : un livre nous a tellement captivé, qu’une fois refermé, on ne parvient pas à en décrocher. L’univers continue de nous happer, ses personnages nous appellent, et l’on est comme prisonnier de cette lecture. Chose intéressante, ce phénomène peut se produire quelle que soit la nature du dénouement. Ainsi, peu importe si le sentiment général est le bien-être, la tristesse, l’amertume, etc.

Comment se guérir d’une gueule de bois littéraire ?

On trouve toujours plein d’articles du type “voici les signes indiquant que vous en souffrez et comment s’en sortir”, mais honnêtement, il n’y a pas de recette miracle. Bien entendu, on peut essayer de lire quelque chose de léger, on peut faire une pause, on peut en parler avec d’autres personnes, mais je pense que si un livre a été capable d’inciter une telle réaction, ce n’est pas anodin.

Cette œuvre a provoqué quelque chose, et plutôt que de chercher à surmonter cela, il faut embrasser ce moment. La littérature est un art, elle s’adresse à nos émotions, notre intellect, nos sens, alors un tel sentiment est une réussite en soi. Bien sûr, cela peut être contraignant d’être victime de ce phénomène si l’on a envie de lire d’autres livres, mais la lecture n’est pas une course. Je pense que je ferai un article détaillé à ce sujet, mais pour l’heure, voici mon conseil :

Ne vous inquiétez pas et prenez le temps qu’il faut pour vous remettre de cette sensation. Une gueule de bois littéraire est signe que votre lecture a touché un point sensible. Quelqu’un a écrit des mots d’une telle façon qu’ils ont remué quelque chose au fond de vous. C’est comme une rencontre spirituelle avec un inconnu. Cela ne vaut-il pas la peine d’en profiter, de savourer cette expérience ?

Autour de la lecture #4 – L’OBSESSION

Vous est-il déjà arrivé d’avoir une obsession pour une œuvre ?
Je ne parle pas d’un coup de cœur (même si cela peut en être un), car il est possible d’avoir un coup de cœur, de vraiment apprécier un livre, de le chérir, mais de s’arrêter là.
Je parle de ce sentiment que vous pourriez lire et relire un livre plusieurs fois d’affilée sans jamais vous lasser. Ce sentiment d’être si attaché à cette histoire en particulier que vous avez envie de découvrir tout ce qui a été créé à son sujet, que ce soit des films, des séries, ou autres supports.
Voilà pourquoi je parle d’obsession, car je ne vois pas comment décrire autrement ce fait.

Il m’est impossible d’expliquer clairement ce phénomène. J’ai beau avoir de gros coups de cœur envers certaines œuvres, j’ai tout de même conscience que si je les relis ou que je revois une adaptation très peu de temps après, je risque de saturer. Pourtant, j’éprouve tout de même une obsession dans certains cas.
Est-ce parce que l’œuvre est plus courte et, de ce fait, plus rapide à relire ou à revoir ? Cela peut jouer, mais je ne pense pas que ce soit si important, car peu importe sa longueur, il s’agit de la même histoire. J’ai beau adorer la tarte au citron meringuée, si je ne mange que cela pendant une semaine, la décoration peut très bien changer, je vais tout de même m’en lasser.

Je pense tout simplement que ces œuvres résonnent intensément au fond de nous. Que ce soit inconscient ou non, elles touchent un point important de notre être. Peu importe l’élément en question (les événements, les personnages, l’écriture, etc.), il y a quelque chose qui s’adresse directement à ce que nous sommes, et c’est pour cela qu’elles nous hantent à ce point.

J’enfonce certainement des portes ouvertes avec cette tache d’encre, mais j’avais envie d’évoquer ce phénomène. Je trouve cela fascinant qu’une œuvre puisse avoir un tel effet, et que cet effet ne tienne qu’à un fil, que ce soit dans son déclenchement ou sa fin.

Autour de la lecture #3 – LA RELECTURE

Tout lecteur sait qu’il n’aura jamais le temps de lire tous les livres qui lui font envie durant son existence. Une pensée qui peut rendre assez morose quand on la ressasse trop souvent. Alors pourquoi sommes-nous plusieurs à relire des livres ?

Relire un livre permet de l’aborder sous un angle différent.
Certains livres sont suffisamment riches pour nous apporter de nouvelles choses à chaque lecture. Selon notre état d’esprit, notre expérience, nos connaissances et bien d’autres éléments, nous serons capables de percevoir un même livre de différentes manières.
Un livre me vient en tête, ou plutôt une trilogie, pour illustrer cela : His Dark Materials de Philip Pullman. Un enfant y trouvera son lot d’aventure, mais un adulte y découvrira tout une nouvelle métaphore autour du poème Paradise Lost de John Milton. C’est une des raisons pour lesquelles je regrette de ne pas avoir lu cette saga durant mon enfance ou mon adolescence.

Relire un livre permet de saisir des choses qui auraient pu nous échapper.
Cela se rapproche un peu du point précédent, mais tout en différant quelque peu. En effet, je pense ici plus particulièrement à des messages que l’auteur souhaite faire passer ou encore à des détails internes au récit.
Ainsi, l’histoire peut prendre un nouveau sens ou bien approfondir celui que l’on avait déjà saisi, mais elle peut aussi devenir plus limpide puisque une relecture peut nous permettre d’effectuer des connexions entre des événements que l’on n’avait pas mis en relation auparavant.

Relire un livre permet de se rafraîchir la mémoire.
Ne nous mentons pas : le cerveau humain a tendance à occulter bon nombre d’informations au fur et à mesure. Nous n’y pouvons rien, c’est ainsi qu’il fonctionne. Malheureusement, cela concerne également les livres qu’on a pu lire durant notre vie. Il nous arrive donc de garder une impression générale sur un livre, de se souvenir de scènes en particulier, mais d’avoir oublié une bonne partie de l’histoire.
Dans une telle situation, une relecture est toujours appréciable, car il serait dommage de ne conserver qu’une vague impression d’un récit qui nous a plu. Toutefois, c’est également un risque à prendre, car nos goûts changent au fil du temps, sans oublier la tendance du cerveau à sublimer ou transformer nos souvenirs. Ainsi, on pourrait être déçu après une relecture.

Relire un livre est une façon de se faire plaisir.
Je suis actuellement en train de relire une saga de livres. Pourtant, je ne l’ai lue pas plus tard que l’année dernière. J’ai pris cette décision notamment pour sortir de ma panne de lecture. Toutefois, je ne vais pas vous mentir, c’est aussi pour me faire plaisir que j’ai voulu relire ces livres. D’ailleurs, j’en profite pour noter des phrases qui me plaisent, me fabriquant ainsi un petit recueil de citation.
Ce n’est pas la première fois que je relis des livres. Dans ma jeunesse, j’ai très souvent relu la saga Harry Potter. Pour tout vous dire, j’avais développé un rituel dès qu’un nouveau tome sortait en librairie : je lisais le nouvel opus, puis je relisais tous les tomes parus. À cela s’ajoutaient quelques relectures par-ci, par-là. Autant vous dire que j’en étais arrivée à connaître l’univers sur le bout des doigts.
Alors oui, au lieu de consacrer tant de temps à des relectures, j’aurais pu découvrir de nouvelles choses, mais plutôt que de voir le verre à moitié vide, voyons-le à moitié plein : j’ai consacré du temps à des livres que j’étais certaine d’aimer, sans prendre le risque de tomber sur une lecture déplaisante. Une petite friandise personnelle en somme, car il est bon de choyer son plaisir de lire.